Une brève histoire du temple de Plougrescant

 

1 : Les premières années (fin du XIXe siècle - 1918)

Avant la construction du temple à Plougrescant, la mission baptiste de Trémel avait entrepris un travail d’évangélisation à Callac, à Guingamp et à Tréguier entre autres lieux : nous sommes  vers la fin du XIXème siècle.

Le temple que nous voyons aujourd'hui fut inauguré le dimanche 15 juin 1902. Le document qui annonce cet événement donne ces précisions quant à l'origine de l'édifice :

« Vos frères bretons du Havre qui ont compris l'Évangile, qui ont été transformés, guéris et bénis, et qui, dans leur reconnaissance, vous ont érigé ce phare évangélique vous y invitent de la part de Dieu.... »

Ces “frères bretons du Havre” étaient des marins bretons venus à la foi grâce au travail de l’évangéliste François-Marie Le Quéré qui avait été envoyé au port normand par la mission de Trémel, et qui collaborait avec la Suissesse Hélène Biollay dans la mission aux marins au Havre. C’est Le Quéré qui avait demandé l’autorisation d’ouvrir un temple à Plougrescant à la Préfecture des Côtes du Nord. Deux dames anglaises, dont Mary Eleanor Bonnycastle, ont aussi soutenu un évangéliste, François Manac'h, qui aurait œuvré dans la région autour de l'an 1900. Un bulletin de la Trinitarian Bible Society (GB) de 1905 parle de la distribution massive d'évangiles, accompagnée du chant de cantiques protestants en breton par les évangélistes Le Quéré et Omnès au pardon de Guingamp.

L’évangéliste Guillaume le Buanec, né à Plouérin en 1868, était responsable de l'Église pendant les deux premières décennies du XXe siècle. C’est son nom qui paraît régulièrement dans le registre de l’Église entre 1909 et 1929, accompagné une fois par celui de François le Quéré, et une autre fois par celui d’un évangéliste suisse nommé Chapelaz.

Le registre de l'Église fait état de sept présentations d'enfants pendant cette période, contre 62 enterrements : ceux de 10 Bretons, d'une Écossaise, et, fait poignant, ceux de 51 soldats et officiers allemands morts entre 1915 et 1919, et dont plusieurs n'avaient que 19 ans.

 

2 : Le ministère d'Yves Omnès (1918 - 1952)

    Il est difficile de savoir de quel rayonnement jouissait l'Église évangélique de Plougrescant pendant la première période de son existence. Pendant cette deuxième période cependant l'Église jouissait d'une influence certaine dans la région comme en ont témoigné les membres les plus âgés que j’ai connus dans les années 1980, tous décédés aujourd'hui.

Yves Omnès, breton d'origine protestante et fils de Guillaume Omnès dont nous avons déjà parlé, naquit dans le Finistère en 1879 et fut évangéliste, puis pasteur de la communauté de Plougrescant de 1918 jusqu'à sa mort à l'âge de 73 ans en 1952. En dehors de son œuvre d'évangélisation, Omnès, qui était tourneur de formation, dirigeait un petit atelier le jeudi pour former les jeunes du village à travailler le bois et le fer. Il expliquait lui-même son espoir en 1928 : “... ce moyen d’attirer cette jeunesse jusqu’à présent réfractaire sera fécond pour le développement de notre œuvre de Plougrescant.” Sa capacité à réparer toutes sortes d'outils, notamment les armes à feu, était connue dans toute la région. Il n'acceptait jamais de paiement pour ses services, invitant plutôt ses "clients" à assister au culte le dimanche suivant pour remercier le Seigneur de son aide. La bonne réputation de l'Église dans la commune même aujourd'hui est due en grande partie à ce travail fidèle pendant bien des années.  Mais la campagne se vidait, et ainsi que le dit Sébastien Fath, Yves Omnès et d’autres pasteurs en Bretagne “ … eurent le mérite, durant une période marquée par un exode rural très considérable qui vidait les campagnes bretonnes, de maintenir l’œuvre baptiste dans tous les postes où elle s’était implantée au début du siècle, mais les perspectives de croissance étaient réduites.”

Le registre des mariages fait état de 6 mariages pendant le ministère d'Yves Omnès, y compris celui de son prédécesseur Guillaume Le Buanec en 1929, et celui de son fils Abel Omnès en 1933. Les 16 enterrements comprennent ceux de cinq soldats tués après la deuxième guerre mondiale pendant le travail de déminage sur la plage de Goërmel.

Le registre ne mentionne aucun baptême de croyant pendant cette période, mais Monsieur Omnès, son épouse et ses deux enfants se sont fait baptiser à Trémel pendant son ministère à Plougrescant. Monsieur Omnès ne voulait sans doute pas faire de ce baptême un sujet de controverse, puisqu'il n'en a rien dit aux membres de l'Église de Plougrescant, et c'est seulement après sa mort que quatre autre croyants de Plougrescant se sont aussi fait baptiser par immersion le 28 août 1952 par le pasteur Georges Bonneau à Trémel.

 

3 : De 1952 à nos jours

Les contacts entre l’Église de Plougrescant et l’Église baptiste de Paimpol étaient fréquents. Pendant le ministère d’Yves Omnès, M. Chapellaz, de Paimpol, l’épaulait souvent, et en 1955, on a demandé à Caradoc Jones, pasteur à Paimpol, de s’occuper de Plougrescant. Parmi d’autres pasteurs qui ont desservi Plougrescant après la mort du pasteur Omnès on peut nommer Alfred Somerville de Morlaix et Georges Bonneau de Trémel. Madame Berthos, doyenne de l’Église de Plougrescant, a participé au culte d’adieu du pasteur Jones en mai 1967.

 

Georges Marcel Urech, originaire de Suisse romande et qui avait passé sa vie comme chirurgien missionnaire en Chine et au Congo, passa ses trois dernières années comme pasteur à Plougrescant (fin 1962 - début 1966). Il faisait du porte-à-porte et utilisait des disques comme moyen d'évangélisation dans les maisons. Il tenait un stand de livres chrétiens sur les marchés et organisait des réunions évangéliques dans une maison à Tréguier. Il mourut à 66 ans à la suite d'une maladie qui dura plusieurs mois et fut enterré au cimetière de Plougrescant le 28 février 1966.

Dans les années ‘70, ce fut le tour d'un autre homme du pays, bretonnant de surcroît, de servir la petite Église de Plougrescant. Il s'agit de Pierre Boulanger qui fut le dernier pasteur à œuvrer à temps plein à Plougrescant. Pendant son ministère à Plougrescant des campagnes d’évangélisation ont été organisées dans la région. Il tenait un stand sur le marché de Tréguier et une étude biblique avait lieu chaque semaine dans cette ville. Mais les membres de l'Église évangélique de Plougrescant ont souvent dû quitter la région pour chercher du travail ailleurs. Ils sont pourtant actifs dans d'autres régions de France.

Plus tard, les cultes n’avaient lieu qu’une fois par mois, avec une assistance d’une demi-douzaine de personnes sauf en été, et depuis le milieu des années 1980, les cultes n’ont lieu qu’en juillet-août et parfois à Pâques, quand l'Église bénéficie du concours d'autres pasteurs, dont moi-même chaque année depuis 33 ans.

En été  le culte rassemble souvent une assistance d'une cinquantaine de personnes venues de France, mais aussi d'Allemagne, de Suisse, des Pays-Bas et d'autres horizons. C’est un lieu de rencontre pour des habitués qui viennent chaque année, mais aussi pour des estivants qui ne fréquentent aucune église chez eux mais qui font la découverte de ce temple et qui ont ainsi la possibilité d'entendre l'évangile pour la première fois à Plougrescant.

Les activités du Temple de Plougrescant, qui appartient à la Fédération des Églises Évangéliques Baptistes de France, sont soutenus par une Association, “Les amis du temple de Plougrescant”. A part le culte dominical, nous organisons parfois des concerts et des expositions. Pour d’autres renseignements vous pouvez contacter son président, Jean-Pierre Le Guillou  <jp.leguillou@gmail.com > ou bien son secrétaire, David Boydell <david.boydell@gmail.com>

 

© David Boydell 1992 et 2016

 

Quelques personnalités qui ont marqué la vie du temple de Plougrescant :

François-Marie Le Quéré (1842-1922), beau-frère du pasteur Guillaume Le Coat, était évangéliste de la Mission Évangélique Bretonne à Trémel, avant de partir au Havre en 1897, pour s’occuper des marins bretons dans ce port normand avec la Suissesse Hélène Biollay. C’est lui qui est à l’origine de l’œuvre de Plougrescant.

Guillaume le Buanec, né à Plouérin en 1868, a œuvré dans l'Église pendant les deux premières décennies du XXe siècle. Il était brancardier pendant une partie de la Première Guerre Mondiale, et a épousé Eugénie  Le Picard (née à Locquirec en 1889), qui était donc 20 ans plus jeune que lui, à Plougrescant en 1929. Le couple habitait à Pont l’Abbé dans les années 30.

Mary Eleanor Bonnycastle, née dans le Kent, en Angleterre en 1835, et morte en 1923, avait soutenu le travail de Mlle Biollay au Havre, tandis que sa soeur Jane, épouse de George Pearce, était engagée dans le travail de la Société Biblique à Paris. Elle a soutenu l’œuvre de Plougrescant, et en 1920 semble avoir donné un bâtiment à Plougrescant à la Mission baptiste de Londres, mission qu’elle soutenait aussi financièrement. Sa soeur et son beau-frère étaient à l’origine d’une mission kabyle en Algérie.

Yves Omnès (1878-1952) était à la fois le petit-fils du colporteur baptiste Yves Omnès (1806-1893) qui avait collaboré avec les pasteurs de Morlaix, John et Alfred Jenkins, et fils d’un autre colporteur, Guillaume Omnès (1837-1911) qui s’établit à Trémel en 1863. Son épouse, Marie-Yvonne, était institutrice. Évangéliste à Pont-Menou puis pasteur de l’Église de Plougrescant, Yves est enterré dans le cimetière du village.  Sa veuve est décédée en 1955 et son fils Abel, qui est mort en 1991,  était un militant de la cause bretonne.

Georges-Marcel Urech, médecin et missionnaire natif du canton de Neuchâtel en Suisse, accompagné de son épouse d’origine anglaise, Winifred, a assumé la charge de l’Église de Plougrescant de 1962 jusqu’à sa mort en 1966. Les Urech avaient travaillé en Chine et en Malaisie pendant une trentaine d’années avant de travailler au Congo et finalement à Plougrescant. Après le décès de Georges-Marcel, sa veuve s’est retirée en Grande-Bretagne, où elle est décédée en  1981. Le livre de Ted Miles, A Tree to Remember, fait référence à sa rencontre avec les Urech en Malaisie en 1953.

Jeanne Berthos, née Bernard, “tante Jeanne”, était pendant longtemps “la gardienne du temple”, et organisait la desserte pendant les mois d’été avec des pasteurs en visite avant de me demander de prendre la relève dans les années 1980. Personne à la fois très chaleureuse et très directe, elle avait une foi très ferme et tout le monde savait ce qu’elle pensait. Ce fut un privilège de la connaître. Elle est décédée en 1997.

 

Un autre personnage haut en couleur dont les obsèques ont eu lieu au temple :

Elizabeth Macdonald Smith (épouse Morland), née à Édimbourg en 1839. D’une famille fortunée d’Édimbourg, elle vivait avec sa famille à Davos en Suisse à partir de 1871 à cause d’une santé réputée fragile : elle était parmi les premières personnes qui ont découvert la station de ski de Davos, et a écrit un guide de la ville en 1878 qui a contribué au succès de la station. Malgré sa santé, l’air des montagnes semble avoir fait d’elle une femme énergique et sportive, selon le livre Two Planks and a Passion: The Dramatic History of Skiing  par Roland Huntford. Après la mort de son mari, pasteur réformé, elle a habité à Port Blanc, où elle est morte en 1917.  Après les obsèques, présidées par G. le Buannec, elle a été enterrée à Penvénan.